EXTRAITS DE KUSENS DE JACQUES BROSSE AU MOULIN DE VAUX

PREAMBULE ET INTRODUCTION 

 

(Enseignement de Jacques Brosse – première période)

 

Jacques Brosse est une grande figure de la spiritualité de la fin du XXe siècle. On lui doit de nombreux ouvrages sur les églises de France, l’histoire de la chrétienté, des ouvrages de phénoménologie comme « l’ordre des choses » et de nombreux livres sur le Zen.
C’est de sa période zen dont il est question ici.
Comme je l’explique plus bas Jacques Brosse a enseigné le zen successivement sous deux formes. La première pendant une douzaine d’années comme « instructeur » comme il aimait le dire de lui-même, au Moulin de vaux au sein de l’association HAMSA que j’avais créée autour de lui et ensuite comme Maître Zen dans l’association DOSHIN qu’il fonda et ce jusqu’à sa mort.

Je me propose, après une courte introduction « historique » de notre rencontre et de ce qui en a découlé, de vous faire découvrir quelques kusens que j’ai enregistrés à l ‘époque accompagnés de commentaires sur l’enseignement que j’en ai retiré.
Tout a commencé dans une cave en calcaire sous les collines de Meudon où le sculpteur Jean Bernard Métais, un ami commun m’a présenté Jacques Brosse lors d’une exposition au milieu des années 80.
Je pratiquais déjà la méditation zen depuis quelques années et avais été en contact avec divers groupes tant en France qu’aux USA.
J’avais croisé bien auparavant le groupe qui suivait Maître Deshimaru à l’époque des expositions d’artisanat Marjolaine à Paris et où nous exposions nos réalisations, Martine Bosqué-Oliva et moi-même et où eux aussi avaient un stand mais certains éléments étaient par trop bruyants, imbus d’eux-mêmes, éméchés et machos à mon goût.
Tout de suite avec Jacques nous avons convenu d’organiser des rencontres au moulin pour qu’il puisse faire connaître son enseignement.
Ces réunions se sont succédées et multipliées pendant 12 ans à raison de cinq week-ends par an et d’une sesshin d’été. Le moulin s’est adapté progressivement à ces rassemblements et le nombre de participants est passé progressivement de trois ou quatre à une quarantaine.
En 1984 Jacques Brosse avait publié « Satori » livre qui relatait sa propre initiation à Paris avec Maître Deshimaru mort en 1982.
Il était un des disciples les plus âgés et les plus cultivés sans doute et ne s’était pas mêlé aux querelles de succession qui n’avaient pas manqué après son décès.

Il vivait alors dans la Sarthe dans une ferme dans les bois du nom de « La Devinière » – Simone Jacquemard, sa femme écrivain elle aussi, avait tout d’une prêtresse –   et c’est là que j’allais le chercher car il ne conduisait pas. J’attendais patiemment au portail car il préservait avec moi la distance de sa vie privée. Ces trajets d’une quarantaine de kms nous permettaient d’échanger sur la vie de notre petit groupe.
Il attira surtout des artistes, des universitaires, des écrivains, des enseignants et le groupe qui se forma peu à peu pour profiter de son savoir encyclopédique et de son enseignement était à la fois joyeux, détendu mais aussi sérieux et concentré pendant les méditations.
Son enseignement était universaliste, laïc, concentré sur l’expérience d’un homme, le Bouddha Shakyamuni et correspondait en tout à ce que j’attendais d’une démarche spirituelle : une voie au-delà des religions.
Jacques Brosse était issu d’un milieu chrétien aisé. Il aimait bien nous dire qu’il affectionnait particulièrement les cérémonies orthodoxes de la fin de l’année auxquelles il assistait régulièrement. Dans les sesshins s’il parlait de la religion chrétienne en revanche il ne parlait jamais de Dieu ou de ses convictions profondes. Cela semblait être pour lui un domaine réservé, laissé à l’appréciation de chacun.

Suivant en cela bon nombre de gens de sa génération, et en sa qualité de naturaliste, il professait une écologie réaliste de bon sens et de respect du vivant tout en étant sans illusion sur la modernité et ses dérives.
Il connaissait très bien les plantes comme les animaux et leur était d’une grande proximité.
Il m’avait beaucoup encouragé quand j’avais trouvé un livre sur l’évolution du zen dans les sociétés occidentales aux USA et m’avait trouvé un éditeur pour que je puisse le traduire afin qu’il soit disponible au public français.
Cependant il pensait que ce n’était pas à ceux de sa génération d’opérer cette transition. Son attitude était de respecter ce qu’il avait appris et de le transmettre tel quel. Bien évidemment ce n’est pas ce qui se produisit car un intellectuel universaliste mâtiné de psychanalyse comme lui remettait de facto en perspective la pratique de zazen d’un samouraï artiste comme Deshimaru !

De par ses connaissances et sa personnalité et aussi l’âge auquel il s’était mis à la pratique du zen, Jacques Brosse se situait dans le long terme. Aussi de nombreuses idées ou convictions se trouvaient du même coup relativisées par la visée historique et en perdaient leur densité. Restait la légèreté du présent et la joie du simple partage.
Au moulin surtout dans les premières années le confort était des plus modestes, le couchage des matelas à même le sol, en dortoir, comme à La Gendronnière des débuts, mais cela ne posait pas de problèmes. Nous étions tous enthousiastes, à la découverte à la fois de notre intériorité et d’une ouverture vers le monde sans commune dimension avec ce que nous en avions perçu auparavant.
Il me semble aussi que le fait qu’il n’ait pas eu d’enfant et nos âges respectifs accentuait le fait que nous avions l’impression d’être comme une grande famille.
Le fait qu’il avait connu beaucoup de « grandes personnes » comme le titre d’un de ses livres et qu’il nous en parlait ajoutait à la fascination.  Mais plus important que la curiosité ou la fascination il nous faisant entrer de plain-pied dans l’existence, pour nous-mêmes, court-circuitant un imaginaire qui nous aurait fait mettre sur un piédestal, artistes, philosophes et autres grands hommes.

L’évolution du zen en occident, sa transformation ou même son utilité sont encore aujourd’hui une question centrale pour moi et ces discussions et kusens m’ont accompagné dans mon cheminement.

CENTRE ZEN DU MOULIN DE VAUX