Les koans

Mots-clés :  koans, hishiryo

Commentaire :

 Le piège des koans pour les occidentaux avides de compréhension mentale du zen plus particulier au RinzaÏ qu’au Soto où la pratique est Shikantaza (seulement s’asseoir) et abandonner le corps et l’esprit.

 

  • Je voudrais savoir pourquoi dans vos pratiques on n’utilise jamais les Koans ?

On les utilise dans la pratique du Rinzai, car il y a deux écoles, Maitre Deshimaru était Soto, nous sommes tous Soto.  Un jour j’étais allé trouver un moine Rinzai à Paris, qui avait une femme qui se croyait bouddhiste, qui était au CNRS d’ailleurs, avant de me faire rentrer chez son mari, elle me fait passer un petit examen, elle me dit « Ah ! Qu’est-ce que vous pratiquez ? », « Du Zen », « Ah ! Et dans quelle école ? », « L’école Soto », « Ah vous êtes dans l’école Soto, mais vous ne savez donc pas que le Rinzai, c’est le zen des princes, et le Soto, c’est le zen des paysans ! », Je lui dis « Madame ça tombe bien, je vis à la campagne ! ». C’est pour dire que le zen Rinzai était le zen de l’élite du point de vue de l’histoire du Japon, mais le zen Soto comme zen des paysans, ce n’est pas tout à fait vrai, ne serait-ce que parce que Maitre Dogen, le fondateur du zen Soto au Japon était beau-frère de l’empereur et prince lui-même. Voilà, j’aurais pu lui répondre ça. Il est effectif que le zen Rinzai a eu beaucoup plus de succès au Japon auprès des intellectuels et des classes dirigeantes. Et que le zen Soto est beaucoup plus fondé sur la pratique, et que le système Rinzai, c’est un système de satori par le koan, en simplifiant beaucoup. Mais ici je ne peux pas vous faire tout un historique, bon ! Donc le koan joue un rôle immense, les koans ont été classifiés, régularisés par …. Au XVIIème siècle.  On vous donne un koan, vous devez méditer sur ce koan, qui, naturellement n’est pas soluble par le mental, par le rationnel, et vous devez, à peu près chaque jour, dans un monastère, dans une sesshin, vous devez tous les matins, les uns après les autres aller le trouver, vous vous prosternez et il vous dit, « qu’est-ce que vous avez trouvé dans le koan », et ça dure des années, après quoi brusquement, tout à coup, on ne sait pas pourquoi, on se prosterne et il vous dit « ça y est, vous avez compris ! » « Merci » et vous avez droit à un deuxième koan sur lequel vous allez méditer pendant trois ans ou à peu près, suivant la promptitude d’esprit du sujet, bien entendu. Tout le système est fondé là-dessus. L’ordination quasiment, l’avancement en grade, l’autorisation d’enseigner, reposent uniquement sur ce système des koans. Alors pour nous ça nous semble un peu trop scholastique, un peu trop intellectuel, si je puis dire. Puisque ça ne peut pas être résolu par l’intelligence et trop rigide.

Nous on fait confiance à la posture soit. Seulement par ailleurs, dans le Soto, il y a des koans, il y en a un sur le Kyosaku par exemple, et à titre individuel pour les boddhisatvas ou les moines, le maitre donne toujours un koan, mais on ne le distribue pas comme ça parce qu’il faut être assez dans le zen, assez dans la pratique pour comprendre l’usage qu’on peut en faire. Parce que si on en fait un usage à s’esquinter le mental pour le résoudre, alors qu’on ne peut pas le résoudre par le mental, on perd un temps énorme, pour nous. Tandis que la pratique, la posture elle-même résout les koans. Nous on fait une confiance extrême à la posture par elle-même. Parce que le physiologique et le psychologique correspondent si étroitement que la posture elle-même physiologique est sûre, il n’y a pas à la discuter, ça permet d’éviter beaucoup de pièges du mental. Donc si on donne à un débutant, une facilité pour son mental qui serait justement le koan, il va se mettre à délirer, hein ! Il y en a ici qui délirent d’ailleurs, on en connait ! Ils sont venus m’en parler d’ailleurs, mais alors ceux-là, s’ils avaient un koan, oh là là ! L’hôpital psychiatrique ne serait pas loin ! Donc c’est la raison pour laquelle on est très prudents avec le koan, mais ça ne veut pas qu’ils n’existent pas, et c’est très important parce qu’effectivement, c’est aussi un test. Pourquoi la méthode Rinzai, je ne veux pas la critiquer, elle a une justification, c’est un test, que vous êtes passé dans l’esprit  Hishiryo, le koan ne peut se résoudre que par la pensée non pensée qui est née d’un zazen qui est un produit de zazen. Donc de ce point de vue-là, on comprend très bien que le koan peut être un test. Si on va et c’est comme ça que ça doit se passer avec le maitre, je suppose, parce que je ne suis pas maitre et je ne suis pas Rinzai, il comprend tout à coup ce que l’autre ne comprend plus du tout avec son mental. Ou alors à la limite qu’il a compris le koan quasiment en prenant le Kyosaku par un maitre qui lui en fout encore un coup ! Ca peut être ça la résolution d’un koan, bien sûr, moi j’ai vu ça à la Gendronnière, avec Deshimaru et un moine japonais. Il a reçu le Kyosaku après avoir cherché une échappatoire en mondo. Ce sont des pratiques qui sont courantes au Japon, enfin, qui existent au Japon. La résolution du koan, ce n’est pas forcément verbal, ça peut être la façon dont le type arrive et se prosterne. La preuve : l’histoire de Maitre Dogen. La vocation de Maitre de Dogen et la réception au sein de la transmission, ça s’est passé comme ça, il est venu parce que le maitre avait gueulé.  C’était un zazen où ils n’avaient pas dormi de la nuit, c’était très tôt le matin et il a failli assommer un moine en lui disant « abandonne le corps et l’esprit ! » et Dogen a eu l’Eveil à ce moment-là. Après cette histoire qui est probablement authentique, c’est lui qui l’a racontée,  après le zazen, il va trouver le maitre, il se prosterne et dit « J’abandonne le corps et l’esprit ». Il avait tout compris et c’était tout, il n’y avait rien d’autre à comprendre ! Et le maitre à ce moment-là se prosterne devant lui à son tour en lui disant « tu as compris, je te donne la transmission ». C’était la résolution pratique par le gestuel du koan même. Ce qu’il avait entendu, immédiatement il avait compris que c’était ça. C’est pour vous dire que le Koan peut avoir toutes sortes d’usages différents et dans le Soto c’est fondamental puisqu’encore une fois Dogen a eu l’autorisation d’enseigner au Japon, chez lui, de transmettre le zen Soto par cette voie-là : tout à coup ça s’était déclenché en lui. Voilà ! C’était un peu long mais ça permet d’expliquer un petit peu la différence des méthodes.

 

CENTRE ZEN DU MOULIN DE VAUX