Mots clés : cérémonie, tenue, sutras, voix, bols, attitude
Commentaire :
JB passe en revue les écueils sur lesquels trébuchent les débutants, la tenue, la posture, les rituels, les zafus, le karma, le chant, la traduction des sutras. Il insiste sur l’expérience du zazen indispensable pour que tous ces choix prennent leur place et s’inscrit sauf pour la traduction des sutras dans la lignée de son maître Taisen Deshimaru.
Il n’est pas surprenant qu’un érudit comme lui insiste pour comprendre et transmettre la signification de ce qui est récité en prenant toutefois des exemples qui ne posent pas de problèmes comme l’Hannya Shin Gyo et le Fukanzazengi par rapport à une tradition que l’on pourrait réexaminer dans son ensemble dans le cadre de la pratique du zen en occident.
JD : J’ai une question sur les sesshins plus longues. Il y a aussi tout un rituel autour de la nourriture.
JB : normalement oui et on va tâcher de faire une sesshin un peu traditionnelle puisque si on en fait une plus longue c’est un peu pour ceux qui voudraient entrer un peu plus dans le zen donc en suivre aussi la discipline parce qu’ici jusqu’à présent on a fait des sesshins cool. Ce n’est pas que ça va être dur seulement c’est pas du tout pareil quand elle dure cinq jours et qu’elle est faite parce qu’il y a des gens qui font zazen depuis très longtemps et qui ont demandé une sesshin plus longue parce que ce n’est pas du tout la même atmosphère. Il y a des hauts et des bas.
JD : Cela doit la distinguer du zen apparenté à un yoga de relaxation
JB : Cela permet aussi à l’enseignant de ne plus répéter toujours la même chose et de définir quelques notions qui ne sont pas du tout des notions théoriques, pas du tout de la doctrine, il n’y a pas de doctrine, mais qui sont des aides pour ceux qui continuent le zazen. En fait l’enseignant peut répondre aux questions mais il n’a pas lui à imposer sa vue du problème comme il transmet c’est une tradition qui remonte au Bouddha il y a quand même tout un ensemble autour de l’éveil du Bouddha dans lequel on ne peut pénétrer que si l’on a fait suffisamment de zazen collectif. Dans une sesshin de cinq jours on peut parler de dharma et de karma qui sont des choses très importantes surtout quand on vient d’occident puisque c’est très différent de tout ce qu’on connaît par les philosophies occidentales. On peut faire zazen sans connaître ces notions absolument seulement puisque cela repose sur l ‘éveil du Bouddha qu’est-ce que le Bouddha a découvert et dans quel contexte c’est tout. Dans les sesshins un peu plus longues que j’ai faites dans la région de Bordeaux une dame a dit vous avez prononcé le mot de karma je veux savoir ce que c’est. Je lui ai répondu nous avons six jours je vous répondrai au plus tôt le quatrième jour parce qu’à ce moment-là vous serez peut-être mûre pour saisir ayant fait zazen ces notions. Autrement ce sont seulement des notions qui vous viennent de l’extérieur et dans le zen rien ne doit venir de l’extérieur. C’est à vous à découvrir seulement bien sûr l’enseignement traditionnel peut vous aider dans votre démarche c’est tout. Donc lui apprendre au départ ce que c’est que le karma n’aurait eu pour elle qu’un sens purement intellectuel sur lequel on peut commettre énormément d’erreurs. Il faut le sentir du dedans. C’est la raison pour laquelle une sesshin longue permet d’approfondir certains points de la démarche même du zen. A ce niveau-là cela change quand même beaucoup et puis il y a la vie collective qui dure quand même pendant cinq jours et le programme va être plus varié on peut prévoir des promenades, on peut prévoir des séances de massage surtout si Daniel Guétault est là car il est très bien en massage et en plus il y a une cuisine qui sera particulière qui sera plus traditionnelle et il y a aussi le fait qu’on mangera rituellement dans le dojo une fois ou deux avec des bols. On peut même très bien se passer de la pratique des bols ce qui est un peu japonais mais pour respecter toute l’histoire même du zen qui passe par le bol qui est le bol de la transmission de patriarche à patriarche. La lignée s’est transmise par la robe monastique et les bols. C’est ad libitum. C’est une note pittoresque qui n’est pas forcément indispensable. Seulement le repas dans les bols qui se passe dans le dojo c’est tout de même une autre façon de manger que de manger à table avec une fourchette une cuiller.
[…]
JB : L’absence de rituels est très dangereuse parce que c’est trop tôt pour évacuer le rituel d’une part. Il ne faut pas penser à une adaptation occidentale trop rapide et puis d’autre part il y a une concentration dans les rituels aussi
JD : C’est ce que j’ai découvert à la dernière sesshin, le rituel, j’avais été un peu traumatisé par l’éducation chrétienne
JB : Oui bien sûr mais tout le monde l’est
JD : j’ai été enfant de cœur etc moi le rituel vide comme ça te traumatise pour de longues années.
JB : C’est à dire que la cérémonie, vous la faites quand même après deux heures de zazen, vous ne faites pas comme ça, vous n’êtes déjà plus en civil, vous êtes déjà dans la dimension du zen. Si on la faisait en entrant comme ça ce serait ridicule mais là c’est la continuation du zazen. C’est aussi une façon de faire un zazen vraiment collectif tourné dans l’autre sens, la preuve en est que les prosternations je les avais proposées et tout le monde les a faites ou à peu près.
C’est seulement si on essaie qu’on peut voir si oui ou non ça vaut la peine. Si on pense à ce qu’elle est dans le zen c’est à dire l’abandon complet du corps et de l’esprit.
GP : il faut avoir la bonne motivation
JB : C’est comme ça qu’il faut le faire ; on ne se prosterne devant personne dans l’histoire. En plus on ne vous demande pas 1OO OOO avant de vous donner un enseignement comme les tibétains. A ce moment-là ça devient un petit peu compliqué…
PF : C’est vrai que pour tout ce qui est rituels on est au départ un peu réticent parce que ça fait un peu exotique.
JB : Forcément parce que d’abord on chante en chinois ou en japonais. Il y a une question de psalmodie ; c’est l’ennui avec toutes les langues sacrées c’est à dire que la psalmodie n’existe que dans cette langue. Dans la traduction ça ne marche plus ; y a qu’à voir les malheureux curés qui psalmodient le français à la messe, c’est souvent tout à fait ridicule il n’y a pas de doute. Tant que c’était en latin ça faisait partie du latin c’est tout, ca faisait un ensemble mais si on dissocie la psalmodie et qu’on la reporte sur le français ça devient ridicule. En plus le français ne s’y prête pas. Ce serait de l’italien ce serait possible, de l’allemand et de l’anglais aussi mais le français c’est une langue qui ne peut pas se psalmodier ; à l’époque où j’ai vécu et où on chantait les opéras en français c’était atroce. Don Juan en français de Mozart c’est abominable. Ce n’est pas possible, ça ne marche pas et ainsi de suite, ce sont des mantras
Seulement il y a l’excès opposé que Gilles connaît un peu et je connais encore mieux que lui je crois, ce sont les dojos où on vous fait chanter l’Hannya Shin Gyo sans jamais vous expliquer ce que c’est. L’Hannya Shin Gyo c’est un texte un peu hermétique, vous avez eu les traductions, ce n’est pas très facile à comprendre et qu’on ne voit pas du tout ce que ça veut dire en gros. Donc chanter un texte aussi hermétique que ça, ça n’aurait pas beaucoup de sens tandis que le Fukanzazengi dont nous parlons qui est de Dôgen, quasiment du fondateur du zen japonais c’est en japonais mais ça raconte exactement la pratique du zen, ça dit ce qu’il faut faire, y compris le coussin la pièce tranquille etcétéra à ce moment-là ne pas donner de traduction c’est tout à fait imbécile puisque c’est les instructions transmises par Dôgen pour faire zazen. Alors est-ce qu’il y en a beaucoup que ça gène ces questions de rituels parce qu’on peut limiter. Yen a peut-être que ça bloque
IM : Moi ça m’a beaucoup bloqué jusqu’à ce qu’on ait la traduction parce qu’au début on ne l’avait pas. J’étais pas du tout familiarisé avec cette langue et c’est vrai que comme je ne comprenais rien ça m’était complètement étranger je me taisais. Petit à petit je m’y suis mise.
Jacques Brosse : une des raisons pour lesquelles on ne donnait pas les traductions au départ. Deshimaru ne donnait pas les traductions. On vous explique que c’est un exercice du souffle un point c’est tout. Pour le temps vous ne voyez que ça. Moi je trouve cela un peu suspect je trouve qu’on ne peut pas demander aux gens de réciter un texte chinois ou patagon… mais il est de fait que c’est aussi un exercice de respiration. Vous n’avez pas à vous dire non plus comme certains ah j’ai réussi à aller à telle ligne sans reprendre mon souffle, ils gagnent un mot à chaque fois (rire) ce n’est pas à ce point-là … ils comptent leurs respirations je suis passé de 36 à 32 … en dehors de cette question absurde il y a aussi la façon de le chanter qui est très importante. D’abord on chante le plus bas possible sur l’expiration, on rejoint un peu les chants traditionnels de l’église chrétienne, le grégorien ou les chants du mont Athos où on joue sur le souffle le plus bas possible.
GP : il faut avoir la voix plutôt grave alors
JB : Il faut avoir la voix la plus grave possible. Tu verras d’ailleurs que tu vas développer tes basses si je puis dire.
JD : C’est la voix du matin, le matin on a une voix très grave, même les femmes. On l’a observé.
JB : vous voyez que vous pouvez vous amuser avec l’Hannya Shin Gyo. C’est très important de descendre la voix le plus possible.
IM : Je fais partie d’une chorale, je suis soprano !
Oui c’est en sens contraire j’ai dit les hommes, je n’ai pas dit les femmes
JB : la voix sur l’expiration est plus basse que la voix sur l’inspiration d’un point de vue technique
(…)
JB : c’est pour ça qu’il faut les apprendre relativement tôt de même que la façon d’entrer dans le dojo. On ne conçoit pas le zen sans faire attention. C’est une façon d’éveiller votre attention aussi. On ne fait pas les choses n’importe comment. Comme dans la vie courante on a forcément tendance à faire les choses n’importe comment c’est pas mal de redresser le cours de temps en temps. De devenir un temps self-conscious pour ne plus l’être ! pour devenir spontané. Il faut passer par la self-conciousness. De même que vous êtes très self-conscious de votre posture au début, après vous l’êtes plutôt de moins en moins avec le piège qu’il faut quand même rester éveillé de façon à redresser car vous pouvez prendre de mauvaises habitudes ; il y tout un jeu entre la self-consciousness, le contrôle
JD : on dit qu’il faut préserver l’esprit de débutant
PF il n’y a pas d’ancienneté qui joue ?
JB elle ne doit pas jouer. Ceux qui jouent sur l’ancienneté c’est fini, ils sont morts. C’est pour ça qu’il faut encore avoir mal aux jambes quand même. Je l’ai vu j’ai emmené un jeune copain qui avait 22 23 ans à une sesshin de Deshimaru. On était partis en voiture, il était tout excité, le zen etc … il fait son truc, super, aucune difficulté, bonne posture. Il a fait les 3 jours de sesshin il avait tout trouvé ; c’était complètement faux parce que cela n’avait absolument rien modifié à son conditionnement ; il s’est imaginé que parce qu’il prenait facilement la posture il savait tout ; c’est aussi un piège. Tandis que j’ai vu des gens ; ceux qui commencent comme ça très souvent ne restent pas ; ceux qui ont beaucoup de difficultés aussi s’en vont ; il faut être dans la bonne moyenne.
JD est-ce qu’on peut demander plus de précisions sur la position des jambes ou chacun doit s’adapter.
JB la posture c’est le lotus, c’est l’idéal
PF et la couleur noire elle a une importance ?
JB c’est pour l’uniformisation
PF c’est tout ?
JB c’est pour la neutralité
PF donc le zafu de couleur est une erreur
JB complètement. Dans le zen les zafus sont nécessairement noirs. Les maîtres ont quelquefois des zafus de couleur, c’est généralement du violet. C’est une distinction
Je n’ai jamais eu de zafu de couleur et j’en n’aurai jamais
Une femme : Non je parle dans le dojo, quelle est l’importance du noir
JB c’est la neutralité puis en principe ils sont tous égaux les noirs si vous prenez des rouges il y en a qui tireront sur le rose d’autres …. Le moines peuvent porter des couleurs mais c’est ce qu’on appelle des couleurs cassées. Le grand kesa que je porte moi est brun. On peut avoir des kesa de toutes sortes de couleurs mais il faut des couleurs cassées pas des couleurs pures parce que c’est agressif. Donc on peut très bien concevoir des kesas comme le mien qui soient dans des bleus faibles, pâles si vous voulez ou des beiges ou des gris foncé ou des noirs mais évitez toujours les couleurs vives. Ca gène dans le dojo. En principe quand on est dans le zendo, dans le dojo on est très perméables, on est très poreux, simplement une robe rouge vous allez la ressentir très fort en zazen, beaucoup plus fort qu’ailleurs. C’est pour ça qu’on brule de l’encens aussi, il faut créer une atmosphère complètement apaisée.
JD Ca c’est très important
JB bien sûr. Toutes ces petites choses-là qui peuvent vous apparaître comme des mesquineries ritualistes non elles ont leur raison d’être c’est pourquoi je préfère que vous posiez des questions et vous les expliquer. C’est pas un uniforme, c’est pas une obligation – vous pouvez faire zazen sans – vous serez mieux pour vos jambes quant à la couleur il faut s’uniformiser avec les autres parce que le zen de toutes façon vous le faites avec les autres.
JB voilà mais pas dans la tristesse
PF le noir n’est pas vraiment un symbole de gaité
JB le deuil se portait en blanc en Chine
JD le noir signifie la nuit
JB je reconnais que c’est un problème, c’est l’habit des curés en plus. Mais il y a des gens qui réagissent à ça : ils s’habillent en curés, ils portent la soutane. Les curés l’ont enlevée il n’y a plus que ceux qui font zazen qui portent la soutane ! Seulement encore une fois c’est une garantie d’uniformité relative. On ne peut pas tellement jouer avec le noir. Puis à ce moment-là quelle autre couleur, il faudr’est bien le noir, moi ait en effet une couleur très paisible très neutre.
JD C’est bien le noir moi en tant que peintre c’est la couleur où on voit le moins les formes. Si tu essaies de dessiner quelqu’un en zazen avec un kimono noir, c’est très difficile de voir les détails, tu ne vois qu’une espèce de triangle, ça aide déjà énormément.
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